Dj Mast, une ascension express
Par Noxway le 03/12/2025
Peux-tu nous parler un peu de toi ?
Je m’appelle Thomas, j’ai 41 ans. Ça fait un peu plus de 20 ans que je suis DJ. J’ai commencé à mes 17ans. Je suis DJ professionnel depuis 21 ans, depuis 2004, c’est-à-dire que je ne fais que ça, c’est mon activité principale. En 20 ans de carrière professionnelle, j’ai fait plein de choses. J’ai commencé en étant DJ guest donc à tourner directement dans les clubs. Chaque week-end, j’allais mixer dans une ville différente. À l’époque, j’avais déjà monté un concept de soirée, je mixais encore en vinyles et je mixais principalement rap et R&B. Ça a duré 3 ans, jusqu’en 2007. En 2007, dans le cadre de ma tournée, je suis passé dans un club à Metz. Ça s’était bien passé et ils m’ont proposé la résidence du club. J’ai fait 7 ans de résidence dans ce club, le Sense. Au début, je n’étais pas parti pour rester longtemps, mais je m’y sentais bien car il y avait une belle clientèle et l’ambiance était incroyable. Depuis 2014, je refais des dates en guest un peu partout en France, en Belgique, au Luxembourg et en Suisse. Je n’ai pas le temps de m’ennuyer. Parallèlement, je fais de la production et des remix depuis le début des années 2000. Je les ai partagé sur internet dès le début et c’est grâce à ça que j’ai pu me faire repérer et obtenir des dates en tant que DJ guest. D’abord en France, puis ça s’est propagé un peu partout sur des sites américains, et j’ai été repéré par des DJs du monde entier. J’ai ainsi eu l’occasion d’aller mixer à Hong Kong, Tahiti, l’île Maurice,Madagascar, Portugal, Espagne, Tunisie, Maroc. Je fais aussi de la formation au sein de la DJ School Metz, créée en 2012. C’est une école de DJ où l’on apprend à mixer, animer et produire. Aujourd’hui, l’activité est un peu au ralenti à cause du Covid, mais nous avons fait ça à fond pendant 10 ans, jusqu’en 2022. J’avais la casquette de formateur et directeur de l’établissement. Je produis aussi des événements depuis 2015. Je loue des salles et organise mes propres soirées, ciblant une clientèle qui sort moins en club, les plus de 30 ans, 40 et 50 ans. Je loue des salles de 500 à 1 500 personnes et je m’occupe de toute l’organisation de A à Z, de la communication à la billetterie, en passant par le personnel et le plateau technique. J’essaie d’en faire plusieurs par an et j’ai déjà organisé des soirées à Reims, Dijon, Nancy et Metz. Ce sont des beaux challenges, de belles aventures humaines et ça cartonne, c’est toujours complet. Mais mon activité principale reste le DJing en club, quasiment tous les week-ends de l’année.
Quel a été le déclic qui t’a donné envie de devenir DJ et producteur ?
Pour le côté DJ, je pense que ça s’est fait en deux temps. D’abord, j’étais passionné de musique depuis mon adolescence. À l’époque, on achetait encore des petits CD deux titres chaque semaine au supermarché, et j’écoutais beaucoup la radio vers le milieu des années 90. On enregistrait les morceaux à la radio sur des cassettes. Je consommais énormément de musique, même si je n’avais pas encore l’ambition de devenir DJ. J’étais juste passionné. Ensuite, à la fin des années 90, quand les graveurs CD sont apparus, j’en gravais beaucoup pour des copains. Un jour, quelqu’un m’a amené une cassette et m’a demandé si je pouvais la transférer sur un CD. Je savais le faire donc j’ai dit oui et en l’écoutant, ça a été un déclic. C’était une mixtape d’un DJ qui s’appelle DJ Skalp, pas forcément connu du grand public, mais l’un des producteurs des compils Raï’N’B Fever avec Kore. Il faisait des cassettes mixées, et en recopiant celle-ci, ça a été le déclic. J’aimais beaucoup les musiques Rap, R&B, j’ai beaucoup d’influences funk et soul et là c’était vraiment du R&B années 90 mixé, enchaîné, des scratchs, des remixs, des voix d’ambiance comme ça se faisait beaucoup à l’époque. J’ai adoré. Je me suis dit : « Waouh, je veux faire ça moi aussi ». Étant déjà passionné de musique, ça a été comme une évidence, une révélation. À partir de là, je me suis acheté une platine d’occasion, quelques vinyles. Au début, c’était même les vinyles de mes parents. J’ai commencé à scratcher sur des musiques qui n’avaient rien à voir, puis petit à petit j’ai commencé à aller acheter des disques à Paris. Je passais souvent à Châtelet, le temple des DJ hip-hop, dans un magasin qui s’appelait Urban Music. Tu pouvais y croiser les DJ stars du moment, comme Cut Killer. J’avais 17 ans, c’était en 2001. Je m’entraînais dans ma chambre tous les jours en rentrant du lycée. Je rentrais et j’allais directement sur les platines : je scratchais, j’essayais d’enchaîner les morceaux. À l’époque, il n’y avait pas de tutos, pas d’écoles de DJ, donc il fallait comprendre le mix et les mécanismes tout seul, puisque je ne sortais pas encore en club. Ça a démarré comme ça. Le déclic pour la production est arrivé un peu plus tard, même pas un an après. J’ai très vite eu envie de recréer les fameuses cassettes mixées mais au format CD. J’avais envie d’enregistrer des compils pour les potes et aussi de me faire remarquer. Donc je m’y suis mis tout de suite. J’avais envie de personnaliser ces compils, et c’est là que j’ai commencé à produire, à bidouiller des remix et à les partager sur internet à partir de 2003. Le déclic est parti de là : l’envie d’avoir mes propres versions, de pouvoir me différencier en soirée et d’avoir ma propre identité.
Quelle a été ta meilleure expérience sur scène en tant que DJ ?
Ce n’est pas une question évidente, parce que j’ai la chance de vivre énormément de moments incroyables, donc plein de souvenirs me reviennent d’un coup. C’est difficile d’en citer un seul. Il y a eu beaucoup d’expériences marquantes grâce aux voyages, parce que partir à l’autre bout du monde à 25 ans juste pour aller mettre de la musique, c’est complètement fou. Par exemple, j’ai mixé dans un club à Hong Kong, dans une tour sur plusieurs étages. À l’intérieur, tu avais des balcons qui donnaient une vue sur les autres niveaux. C’était une clientèle principalement chinoise, et ça m’a marqué parce que je ne savais pas du tout si ce que j’allais faire allait leur plaire. Au final ça s’est super bien passé. Et puis j’étais le seul Français, blond aux yeux bleus, donc tout le monde voulait repartir avec une photo. C’était dans les années 2010-2011. En terme d’expérience humaine, je pense à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie. C’est vraiment à l’autre bout du monde. J’y ai fait de supers rencontres. J’ai mixé dans un club sur pilotis, littéralement au-dessus de l’eau, avec des dauphins en dessous. Le soir, tu vois l’océan, la lune... c’était irréel. Je pense aussi à Madagascar, il y a 11 ans. J’étais invité pour les 10 ans d’une grosse radio locale. Je n’avais pas mesuré l’ampleur de l’événement : j’ai été accueilli comme une star, avec interviews, télé, conférences de presse... Puis j’ai mixé dans une grande salle transformée en club, la Smile Party, et c’était complètement fou (extrait juste ici). En France aussi j’ai des souvenirs très forts, notamment dans les soirées que je produis moi-même. C’est un peu comme si c’était ton propre concert : les gens viennent pour ta soirée, donc l’ambiance est folle à chaque fois. S’il y en a une que je retiens particulièrement, c’est la toute première, il y a dix ans, en novembre 2015. Elle m’a marqué parce que c’était la semaine juste après les attentats. Toute la semaine, du vendredi 13 jusqu’au samedi suivant, j’ai fait zéro préventes. À l’époque, je ne misais pas trop là-dessus parce qu’il y avait beaucoup de buzz sur les réseaux, donc je n’étais pas inquiet, mais il y a quand même eu zéro prévente. Au final, on a quand même fait 800 entrées. C’était marquant, parce que c’était le début d’une nouvelle aventure, un événement d’envergure que j’arrivais à produire, et surtout ce contexte où les gens avaient peur mais voulaient continuer à vivre normalement, à faire la fête. Donc oui, c’est compliqué de choisir une date précise. Il y a tellement de festivals, de clubs, de voyages... Tous ces moments, je les vois comme des récompenses de mon travail. Les endroits où on m’invite, c’est parce que je le mérite et parce que mon travail est reconnu.
Si tu devais ne jouer plus qu’un morceau ce serait lequel ?
Ce n’est pas un morceau festif, mais il me vient en tête parce que je le cite souvent : You Might Need Somebody - Shola Ama. C’est un titre très cool, vraiment R&B, pas du tout un son de club, c’est une balade. C’est l’un de mes morceaux préférés et ça m’arrive de le jouer en soirée, mais vraiment à la toute fin. Dans les soirées que je produis, je mixe du début à la fin, et je mets toujours deux ou trois sons plus calmes pour conclure, et souvent celui-là en fait partie parce que je l’aime beaucoup et qu’il rentre bien dans la thématique. C’est une reprise, et je trouve que c’est l’une des rares reprises qui est presque meilleure que l’originale, donc elle me parle vraiment. Et en plus, quand je la joue, c’est que la soirée se termine, donc j’associe ce morceau à la sensation du travail bien fait. C’est pour ça que j’ai envie de citer celui-ci.
As-tu des projets en cours dont tu peux nous parler ?
J’aimerais organiser mon propre festival. Avec l’expérience que j’ai acquise dans la production d’événements, je me sens capable de gérer quelque chose de plus ambitieux. Après, il faut trouver un lieu, une direction artistique, une thématique... c’est dans les tuyaux pour le moment. Pour la production musicale, j’ai un peu mis ça de côté parce que je ne peux pas être partout. Je continue à produire pour mes sets, et je partage encore des mashups ou des sets de temps en temps, mais ce n’est plus une priorité pour l’instant.
Y a-t-il un club qui t’a particulièrement marqué par son ambiance ou son public ?
J’en ai fait tellement. Déjà, il y a celui où j’étais résident : le SenSe à Metz. C’est forcément une expérience qui m’a marqué, parce qu’elle a été très formatrice. J’avais 23 ans quand j’ai pris la résidence, le club marchait très bien et je suis resté 7 ans. Ce club a marqué toute une génération dans la région, et moi le premier, parce que ça fait partie de ma carrière, c’est une expérience qui m’a permis de grandir. Il y a aussi le Kiss à Bar-sur-Seine, près de Troyes. C’est l’un des premiers clubs qui m’a fait confiance en me prenant comme guest. Chaque semaine, il y avait une soirée avec un thème différent, donc j’aimais beaucoup y aller. J’y ai vu pas mal d’artistes du moment, de la culture club de l’époque. Et puis le Styliss à Rouvray. C’était le gros club de la région, celui où, ados, on rêvait tous d’aller. C’était une vraie expérience : un complexe multisalles. Quand tu rentrais, tu avais une grande salle, une cafétéria karaoké en bas, un bar ambiance un peu latino au-dessus, puis différentes salles autour de la grande salle : une salle techno, une salle 80’, une salle danse de salon, et la salle “entrepôt”, qui était la grande salle musiques actuelles. Rien que cette salle accueillait 1 500 à 2 000 personnes. Le complexe complet montait à près de 4 000 personnes. Je l’ai déjà vu plein. Je me souviens notamment être allé voir DJ LBR avec Big Ali là-bas. Il y avait LBR dans la cabine, Big Ali qui ambiançait. C’était en 2001, j’avais 17 ans. J’étais collé à la cabine, j’admirais le DJ... c’était très marquant.
Aujourd’hui, pour les DJs, les réseaux sociaux sont très importants. Comment gères tu cette partie-là ?
Je gère absolument tout moi-même. Ce n’est pas toujours simple de déléguer quand tu as une vision précise, une idée en tête, et que tu dois l’expliquer à quelqu’un d’autre. Donc, à mon échelle, ça reste gérable, mais ça prend énormément de temps, surtout comparé à il y a 10-15 ans où j’avais beaucoup plus de temps à consacrer à la création artistique et musicale. Aujourd’hui, la création inclut aussi tout le contenu pour les réseaux sociaux. Je ne me mets pas une pression énorme, mais j’essaie d’être régulier et présent. En tant que DJ, je montre ce que je fais en soirée via des stories ou des reels. J’ai toujours mes lunettes Meta ou une GoPro 360 pour filmer. Je capture les temps forts de mes soirées pour les repartager. Ça sert aussi à montrer aux pros que ce que je propose fonctionne. En France je suis bien implanté dans le milieu des clubs, j’en ai fait beaucoup, mais il faut continuer à montrer que ça marche toujours, que je suis toujours dans le « game ». Je fais tous types de prestations : beaucoup de clubs, un peu de mariages, un peu d’entreprises. Et par exemple, pour les 3-4 mariages que je fais dans l’année, j’essaie de faire un vlog. C’est du travail parce que pendant la soirée il faut filmer les bons moments, et ensuite, en rentrant, il faut dérusher, monter, enregistrer la voix off. Mais ça permet d’immortaliser, de garder des supports pour communiquer. Quand j’organise mes soirées, je prends toujours au minimum un photographe et parfois un cadreur pour avoir du contenu.
Quels conseils donnerais-tu aux jeunes DJ ou producteurs qui veulent se lancer ?
Je pense qu’il faut le faire au départ uniquement par passion. Si, quand tu te lances, tu te dis « je veux être une star, je veux mixer à Tomorrowland », je ne suis pas sûr que ce soit la bonne trajectoire, même si c’est bien d’avoir de l’ambition. Pour moi, c’est important de respecter les étapes. Le plus important, c’est vraiment la passion pour la musique, parce que c’est notre outil de travail, et ne jamais oublier qu’on est là pour faire kiffer les gens, pas seulement se faire plaisir à soi. Que tu sois DJ résident dans une boîte de province où personne te connaît, ou DJ artiste, les gens viennent danser et s’amuser. Tu dois leur faire passer un bon moment : ton rôle, c’est de les divertir et de les faire kiffer. Il faut être passionné, aimer la musique, beaucoup travailler. Il ne faut pas avoir des ambitions démesurées dès le début. Il faut aussi être à l’écoute du public, observer les gens, savoir lire une piste de danse, surtout quand ton rôle est de faire danser les gens. Quand tu es David Guetta et que ton public vient pour toi, il est déjà acquis, donc tu peux te permettre de surprendre.
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