Dirty Swift: 30 ans de passion
Par Noxway le 03/11/2025
Noxway a l’honneur d’interviewer Dirty Swift, DJ depuis presque une trentaine d’années, qui nous ouvre les coulisses de sa carrière et de son univers musical.
Peux-tu nous parler un peu de toi ?
J’ai 50 ans. Je suis tombé dans le DJing un peu par hasard. À la base, j’étais un grand fan de hip-hop, de rap. J’habitais à Rennes à l’époque, et il y avait une radio locale qui s’appelait Radio Laser, où j’ai commencé à faire des émissions.
Quand je montais à Paris pour aller à des concerts, j’en profitais pour acheter des disques, des vinyles… Et j’ai commencé à essayer de scratcher sur la platine de ma mère. Petit à petit, j’ai acheté du matériel et je me suis mis à mixer. C’est vite devenu une vraie passion. J’avais 20 ans, je ne faisais que ça, 24 heures sur 24.
Puis je suis monté à Paris pour terminer mes études d’ingénieur, tout en continuant à être DJ. Au début, c’était surtout des soirées étudiantes, puis petit à petit, j’ai commencé à travailler avec des artistes et à sortir mes propres mixtapes. Mais ça n’a pas été facile de percer, parce qu’il y avait déjà beaucoup de DJ bien en place.
J’ai fait mes armes tout en restant dans le milieu hip-hop, avec le tag sur le côté. Petit à petit, j’ai percé, mais j’ai commencé à travailler en tant qu’ingénieur en parallèle. Je faisais des soirées à l’étranger, à Montréal, San Francisco, mais j’avais plus de mal à accéder à Paris. Mais j’ai fini par me faire une place.
J’ai aussi monté un site qui m’a beaucoup aidé entre mes 25 et 30 ans : Bounce2Dis.com. C’était le premier site hip-hop français, et grâce à ça j’ai fait plein de rencontres, je participais à des événements, j’allais partout où je pouvais. Entre-temps, je continuais la radio et j’ai commencé à développer mon style.
Au début, quand tu es DJ, tu écoutes beaucoup les autres, tu t’inspires. Et petit à petit, tu trouves ton style. Moi, c’était un style plus dirty. J’écoutais ça depuis les années 90, mais en France, les gens ne considéraient pas ça comme du rap. Pour moi, c’était l’avenir — le Dirty South — donc je me suis lancé à fond.
Petit à petit, j’ai commencé à faire de plus en plus de soirées, un peu partout, parfois devant 2 000 personnes. J’avais toujours mon boulot d’ingénieur à côté jusqu’en 2015, puis j’ai arrêté pour me consacrer entièrement à la musique. Peut-être une petite crise de la quarantaine. Ahah.
C’est aussi à ce moment-là que le projet Mou’v est arrivé, et c’était très cool. J’ai fait pas mal de premières parties, de très belles expériences. Et quand Mou’v s’est arrêté en 2023, j’ai décidé d’écrire un livre sur ma passion : Culture DJ, sorti en octobre 2023 chez Larousse.
Quel a été le déclic qui t’a donné envie de devenir DJ et producteur ?
Je dirais que le véritable déclic est arrivé une fois alors que j’écoutais la radio Radio Campus à Rennes. Un gars qui revenait de New York avait rapporté une mixtape qu’il a passée à l’antenne. J’avais déjà une idée de ce que c’était d’être DJ, mais quand j’ai entendu cette mixtape, je me suis dit : je ne sais pas ce qui se passe, je ne sais pas comment il a fait pour mixer ça comme ça. Et c’est vraiment à ce moment-là que je me suis dit : “C’est ça que je veux faire.” Il y avait une énergie dingue, ça m’a scotché, j’ai pris une claque, et c’est là que j’ai commencé à creuser.
Quelle a été ta meilleure expérience sur scène en tant que DJ ?
Beaucoup de gens pensent que c’est le Stade de France, parce que c’était très grand et très cool — c’était la première partie de Beyoncé et Jay-Z. Mais ma meilleure expérience, pour moi, c’est la première partie de DJ Snake, parce que le public était beaucoup plus réceptif.
C’était un set 100 % hip-hop, et c’était un vrai kiff : 40 000 personnes, tout le monde était super chaud, j’ai pris un pied total. En plus, j’ai eu l’occasion de mixer à l’after au T7, une boîte incroyable à Paris, avec un son de malade et une vue sur tout Paris. Il y avait Hazard, Djibril Cissé, Vladimir Cauchemar, etc. C’était la folie. Je pense que l’ensemble de cette soirée, c’est mon meilleur souvenir. C’était magique.
Quelle chanson ou quel set représente le mieux ton identité musicale ?
Il y a tellement de morceaux, c’est dur de répondre… Je dirais quelque chose d’énergique. Je ne suis pas nostalgique : j’aime autant le rap des années 80, 90, 2000, 2010 que celui d’aujourd’hui. J’irais surtout chercher du côté du rap américain, parce que c’est ce qui m’a le plus marqué, même si j’écoute beaucoup de rap français aussi. J’irais chercher du côté du Crunk ou du Dirty South. Peut-être Crank That de Soulja Boy. Je ne dirais pas que c’est le morceau qui me représente le plus, mais c’est celui où, dans ma carrière, j’ai vraiment senti une bascule.
Si tu devais ne jouer plus qu’un morceau ce serait lequel ?
Très dur… Très très dur comme question ! Je ne le joue pas tout le temps, mais l’un de mes morceaux préférés, c’est B.M.F de Rick Ross. Quand il est sorti, je l’ai écouté 50 fois dans la même journée. L’instru est incroyable, la voix qui est dessus aussi.
Mais je pense que celui que je passe le plus souvent et qui marche toujours, c’est Niggas in Paris de Kanye et Jay-Z. Il est incroyable du début à la fin, et les gens ne s’en lassent jamais.
As-tu des projets en cours dont tu peux nous parler ?
Oui, la soirée “50 ans, 50 DJs” qui aura lieu le 7 novembre. L’idée, c’était de faire une soirée où je réunis tous les meilleurs DJs. Évidemment je ne peux pas tous les faire venir, il y en a beaucoup qui mériteraient leur place, mais j’ai fait mon maximum.
Je prends le prétexte de mon anniversaire pour créer une vraie communion autour du DJing, pour rassembler du monde et mélanger les générations. Il y aura des DJs de ma génération, d’une génération au-dessus, et des DJs de la nouvelle génération. Je suis dans la transmission : je veux que les gens se mélangent, que les publics se rencontrent, qu’on apprenne les uns des autres. J’ai l’impression qu’il y a eu une petite rupture dans cette transmission à cause du COVID.
C’est une soirée de minuit à 6 h, avec des places à prendre sur Shotgun. On a essayé de faire des prix accessibles, donc ça commence à 15 euros, un peu plus cher si tu prends au dernier moment.
Je vais créer une direction artistique pour organiser la soirée : les DJs mixeront en duo, et ils s’organiseront comme ils veulent, ils auront quinze minutes. L’idée, c’est de créer une vraie écriture de soirée, parce qu’une soirée, c’est une histoire qu’on raconte. Il faut que ce soit cohérent pour que le public oublie l’extérieur.
J’ai vraiment hâte d’y être, et j’espère que cette soirée restera dans l’histoire. J’avais déjà fait les “40 ans, 40 DJs”, et on m’en parle encore aujourd’hui.
Y a-t-il une boîte de nuit qui t’a particulièrement marqué par son ambiance ou son public ?
Le Gibus. Après, j’ai fait beaucoup de boîtes : il y a eu de belles années au Wanderlust, au Yoyo… Et dans le Sud, le Bounce Club à Marseille est incroyable, j’y vais tous les mois.
Mais le Gibus reste vraiment unique. J’y passais en tant que DJ, mais aussi en tant que client, et c’était toujours de très bons DJs qui y jouaient.
Que penses-tu de Noxway, notre site conçu comme un TripAdvisor des boîtes de nuit ?
C’est une super idée ! J’aurais bien aimé y penser moi-même ! Ahah. C’est vraiment cool, parce que parfois, tu ne sais pas où sortir, même à Paris. Ce n’est pas toujours évident de trouver une soirée qui te fasse kiffer, il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte.
Quels conseils donnerais-tu aux jeunes DJ ou producteurs qui veulent se lancer ?
Je leur dirais de faire ça pour les bonnes raisons. Si t’es vraiment un amoureux de la musique, il faut aussi que tu deviennes un amoureux du mix. Avoir de bons goûts musicaux et une bonne sélection, ce n’est pas suffisant pour être DJ.
Il faut vraiment prendre le mix comme un art : apprendre les techniques, s’intéresser aux nouveaux logiciels, aux nouveaux matériels, aux nouvelles façons de mixer… Être curieux et ne jamais croire que tout est acquis. Il faut toujours rester à l’écoute de ce qui se fait, que ce soit musicalement ou en termes de matériel.
Il y a beaucoup de techniques à apprendre. Il faut savoir construire un mix énergique, être attentif au public et ne pas mixer seulement pour soi quand tu es en club. Mixer aussi pour les gens, sans te dénaturer.
Ce n’est pas si simple que ça, et le plus dur, c’est aussi de tenir toute une soirée. Tu peux mettre le feu pendant un quart d’heure, mais tenir six heures (même si on mixe rarement aussi longtemps) et écrire l’histoire de la soirée, c’est compliqué. Parfois, il faut savoir se retenir sur certains morceaux et avoir une bonne connaissance musicale.
Je pense que les gens qui veulent être DJ sont avant tout des fans de musique, mais soyez aussi fans du mix et de la culture DJ.
Aujourd’hui, on a aussi un travail supplémentaire en tant que DJ, qui est celui des réseaux sociaux, et c’est assez compliqué. C’est devenu obligatoire maintenant : il faut gérer ses publications, avoir des photos, une direction artistique… Le rythme imposé par les réseaux représente une charge mentale et une charge de travail.
Chez Noxway, nous accompagnons les DJs qui veulent gagner en visibilité, auprès des professionnels comme des clubbers. Pour faire connaître votre talent, remplissez dès maintenant notre formulaire de contact juste ici !
Quel DJ souhaiterais-tu voir dans notre prochaine interview ?
Je dirais une femme DJ, parce qu’il y en a de plus en plus, mais elles ne sont pas encore assez mises en avant. Donc Andy 4000.
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